Ces dernières années, les investisseurs ont été portés par des lames de fonds importantes : poursuite de la mondialisation, numérisation, inflation quasi-nulle et baisse historique des taux d'intérêt. Ceci accompagné d'un afflux de liquidités historiquement inédit, par le biais des politiques dites "accommodantes" des banques centrales. Pourtant, 2022 semble constituer un changement de paradigme : le grand retour de l'inflation à des niveaux inconnus dans les économies développées depuis plusieurs décennies. Par ailleurs la fin de "l'argent gratuit" avec une remontée des taux d'intérêt, bien que les taux réels (taux nominaux moins taux d'inflation) restent encore négatifs. Qu'est-ce que cela implique pour les investisseurs ? En quoi le crowdfunding demeure-t-il une classe d'actif intéressante dans ce contexte ? Retour sur quelques mécanismes induits par ce nouveau contexte inflationniste.
L'inflation entraîne une hausse générale et durable des prix. Tout épargnant qui conserve alors des liquidités non investies perd mécaniquement à terme de l'argent de manière relative. Son pouvoir d'achat, la valeur relative de son patrimoine et de la monnaie détenue, est mécaniquement déprécié avec le temps. Dans les périodes dramatiques d'hyperinflation connues dans les années 20, on avait ainsi assisté, en Allemagne, à des paiements de salaires effectués de manière quotidienne, les consommateurs se ruant alors pour dépenser rapidement leur argent avant qu'il soit démonétisé...
Ces dernières années, les investisseurs ont été confrontés à un double environnement très favorable :
Dans ce contexte, on a assisté à une hausse de la valorisation de la grande majorité des actifs : marchés actions et immobiliers notamment, et ceci toutes choses égales par ailleurs (c'est-à-dire en absence d'une augmentation notoire des loyers ou des profits). Les valorisations étant soutenues en grande partie par :
Pour rappel, la valorisation théorique des actifs est fixée par la somme des flux futurs anticipés "actualisée" au présent. C'est-à-dire que les flux sont "divisés" par un taux "d'actualisation" constitué du taux de rendement sans risque assorti d'une prime de risque (fonction du niveau de risque de l'actif considéré). Plus ce taux d'actualisation est bas, plus la valeur présente actualisée est élevée.
Deuxième facteur : la motivation des investisseurs pour le risque, avec des taux au plus bas et une forte appétence pour le risque : les investisseurs étant moins exigeants et à la recherche de rendement, les valorisations ont été portées à la hausse grâce à l’effet de demande.
Par exemple, un investissement qui offre un coupon annuel (ou un dividende) de 5 sur 10 ans sera a priori "pricé" 100 (valeur de marché ou "market value") dans le cas d'un rendement exigé de 5%. Mais ce même flux annuel de 5, vaudra 138 avec un rendement exigé de 1%. Inversement, une hausse des taux exigés entraînera une baisse mécanique du prix de cet actif à rendement fixe.
Les dernières années avaient rendu populaires certains acronymes :
Dans le contexte actuel où l'on assiste à un retour de l'inflation non plus sur le prix des actifs, mais sur le prix des biens et services (hausse des coûts de production, des matières premières ...), le comportement des investisseurs sera-t-il amené à évoluer ? L'inflation est certes sans doute liée à des éléments conjoncturels : rebond de l'activité post-Covid, conflit en Ukraine, relocalisations, mais le phénomène pourrait également durer.
Afin de contrôler l'inflation, les banques centrales ont commencé à relever leurs taux d'intérêt, entrainant une hausse des coûts de financement, et un impact négatif sur les valorisations des actifs. Par ailleurs, on assiste à une augmentation de la perception des risques, une moindre confiance à moyen-terme et une hausse des primes de risque. Cela pousse a priori les investisseurs à faire preuve de plus de modération et de prudence dans leurs investissements.
La réponse n'est pas forcément évidente ou univoque. Que ce soit du point de vue d'un investisseur ou plus généralement d'un chef d'entreprise ou d'un entrepreneur.
On peut penser que certains secteurs : matières premières, immobilier peuvent a priori profiter de la tendance des prix à la hausse, mais dans le détail, des forces opposées peuvent s'affronter :
Pour lutter contre l'inflation, les banques centrales — notamment la FED et dans une moindre mesure la Banque Centrale Européenne — ont commencé à augmenter leurs taux d'intérêt (en théorie afin de freiner le dynamisme économique, en rendant les financements bancaires plus difficiles, de diminuer les anticipations d'inflation, et in fine contrôler l'inflation). Les possibilités de hausse de taux peuvent être cependant entravées : caractère parfois inefficient — sur l'inflation dite importée liée par exemple au coût de l'énergie — risque de récession, coût plus élevé de la dette publique.
En terme d'impact, comment protéger son patrimoine contre l'inflation ? Dans le cas particulier de l'immobilier par exemple, une hausse de l'inflation peut-être perçue comme favorable dans la mesure où les loyers indexés augmenteront plus rapidement, et en théorie avec eux le prix des biens liés. Cependant :
Enfin, après un long cycle marqué par une hausse continue des prix immobiliers (avec des loyers qui ont augmenté beaucoup moins vite que les prix des actifs) et des taux de capitalisation (ratio loyer/prix d'achat) qui ont fondu, la situation pourrait évoluer. Désormais, alors qu'un investisseur acheteur était prêt à se contenter par exemple d'un rendement locatif de 3% (dans un contexte de taux sans risque nul et de financement très favorable) il pourra désormais exiger un rendement de 5% par exemple, étant donné les coûts de financement plus élevés, le moindre effet de levier et les opportunités de placement alternatifs à des taux désormais supérieurs.
En conséquence, un bien valorisé 333K € pour un loyer annuel de 10K € avec un rendement de 3% serait désormais valorisé 200K € au taux de 5% pour un même niveau de loyer. Reste à savoir si les perspectives d'inflation justifient l'anticipation d'une forte hausse des loyers qui justifierait alors à leur tout un prix plus élevé...
Perspectives de flux futurs, coût du financement, taux sans risque, prime de risque — et fiscalité — autant de facteurs qui vont in fine influencer l'évolution des prix et des investissements. L'inflation favorise la hausse des prix. L'augmentation des primes de risque exigée et des taux, ainsi que les politiques monétaires moins accommodantes, favorisent la modération des valorisations. Entre ces deux tendances, le match est incertain.
Par ailleurs, pour les actifs pouvant profiter d'un effet de levier lié à l'endettement (tel que l'immobilier) des taux réels encore bas restent un argument de poids favorable.
En l'absence de visibilité sur la durée de l'inflation, il peut être indiqué de faire preuve de prudence, de s'inscrire dans des optiques plus courtes afin de pouvoir arbitrer en fonction des évolutions et des changements de cycles.
Dans l'idéal, on recherchera des placements indexés sur l'inflation, mais ceci n'est pas forcément évident. Globalement, nous l'avons vu, le mouvement n'est pas univoque : par exemple, dans l'immobilier, l'inflation poussera à la hausse les loyers, mais il faut par ailleurs prendre en compte où se situe le cycle en termes de valorisation atteinte. Intégrer les perspectives de pouvoir d'achat, les contraintes futures de financement et la hausse de taux de rendement exigés…
En période d'inflation, on pourrait considérer que les actions, les marchés boursiers constituent le meilleur placement et seront gagnantes au détriment des actifs de rendement à taux fixe (impactés par une hausse future des taux). Les métaux précieux tels que l'or sont parfois cités, mais le cours de l'or pâtit d'une absence de rendement récurrent… Historiquement, certains actifs tels que l'immobilier ou les actions ont surperformé sur le long-terme et ont constitué un rempart contre l'inflation. À moyen terme cependant, il faut prendre également en compte les niveaux de valorisation déjà atteints, les perspectives réelles de profit selon les secteurs et l'impact général défavorable d'une hausse des taux — même si celle-ci ne peut être infinie — sur les valorisations.
Le placement star des assureurs-vie, le "contrat fonds euros" garanti, avait déjà été mis à mal par la baisse des taux qui rendait difficile le maintien des rendements proposé (d'où l'incitation à investir sur les contrats dits en "unités de comptes", plus risqués). Après la crise sanitaire de la Covid-19, les effets de l'inflation et une hausse de taux pourraient entraîner des arbitrages sur d'autres types d'actifs plus rémunérateurs et peser sur la valeur des parts, à un moment où les actifs (obligataires) sous-jacent perdent de leur valeur.
Le crowdfunding immobilier constitue-t-il un placement et une solution "anti-inflation" pour les épargnants ? En tout cas, il conserve de nombreux atouts dans le contexte actuel. Il peut permettre de tirer son épingle du jeu face à l'inflation pour placer une partie de son épargne, et constituer une source de revenu récurrente :
Publication originale de le 22 September 2022 mise à jour le 31 October 2023