La propagation de l’épidémie de COVID-19 cause un désordre économique et financier sans précédent. La France doit d’ores et déjà planifier “l’après-virus”, en sachant qu’il lui faudra prendre des mesures exceptionnelles pour faire redémarrer son économie. Vu l’ampleur de la crise, le recours au chômage partiel et les aides aux entreprises déjà adoptées se révèlent insuffisants.
Face à cette situation, la Banque Centrale Européenne (BCE) et le gouvernement français pourraient élaborer un plan de secours qui ne bénéficierait pas seulement qu’aux entreprises et salariés.
C’est aussi ce qu’envisagent les États-Unis, avec une mesure appelée “l’hélicoptère monétaire” pour combattre le ralentissement économique. Il s’agirait en fait de distribuer directement aux individus un chèque de 2.000 dollars ; au total le plan de relance mobiliserait 850 milliards de dollars.
L’idée d’un hélicoptère laissant tomber de l’argent au-dessus des villes est devenue célèbre en 1969 grâce à l’économiste américain Milton Friedman (théorie connue sous le nom d’helicopter money). Cet hélicoptère représente une banque centrale et son but est simple : relancer la croissance économique d’un pays. Cet argent distribué correspond à un financement des banques centrales à destination des entreprises et des particuliers, sans reprise ni compensation à attendre. Concrètement, de l’argent gratuit.
Évidemment l’idée de l’hélicoptère est imagée, dans la réalité elle peut prendre plusieurs formes telles qu’une baisse d’impôts, une distribution de crédit gratuit, ou de bons d’achats/ chèques pour tous les citoyens. Peu importe, en théorie l’objectif derrière est d’avoir un impact direct sur la consommation des ménages. De plus, cela n’impacte pas les dépenses publiques, l’argent venant de la banque Centrale et non de l’État.
En premier lieu, il s’agit de comprendre ce qui relance la croissance d’un pays en temps normal. Pour faire simple, elle peut être soit relancée à l’aide d’une mesure budgétaire (c’est-à-dire, en baissant les impôts) où soit monétaire (augmenter les crédits en baissant les taux d’intérêts directeurs des banques centrales). Ces deux outils ont le même objectif : stimuler l’investissement et la consommation.
Seulement, en temps de crise, baisser les impôts n’est pas la solution idéale. Cela implique moins d’argent dans les caisses de l’État, donc moins d’aide financière aux hôpitaux qui en ont crucialement besoin pour faire face à l’épidémie. En ce qui concerne les taux d’intérêts directeurs, ils sont actuellement à zéro, et les descendre en dessous pourrait encore plus inquiéter les marchés. Les marges des banques centrales sont donc très faibles, même si la Fed américaine a utilisé cet outil en bénéficiant d’un point de départ de taux plus élevés.
D’où cette idée, qui refait surface dans notre contexte et que les Américains considèrent sérieusement : distribuer de la monnaie centrale aux ménages (peu importe la forme) pour les aider à combler leurs potentielles difficultés financières, et que leur dépenses bénéficient en retour à l’économie.
La BCE n’exclut pas ce type de politique monétaire dans le contexte de la crise du COVID-19. Pour rappel, la BCE ne peut pas financer directement le déficit budgétaire des États. Mais tout le reste, y compris le transfert d’argent (direct ou indirecte) aux citoyens européens reste légal. Cependant, il y a des réticences :
Malgré ces réticences, la BCE a pourtant déjà mis en place des mesures qui s’apparentent d’une certaine manière à ‘l’hélicoptère monétaire’. C’est le cas par exemple de son plan d’urgence de 750 milliards d’euros, destiné à des rachats de dette publique et privée, acté ce mercredi. Elle espère ainsi inciter les banques à maintenir, voire relancer leurs prêts aux consommateurs, ménages et entreprises, afin de soutenir la production et l’emploi dans la zone euro.
Par ailleurs, à partir du mois de juin la BCE augmentera le TLTRO3 : un mécanisme de financement long terme favorable pour les banques qui maintiennent leur crédit à l’économie. Le but est de prêter à taux négatif aux banques (-0.75%) à conditions qu’elles accordent des crédits aux entreprises et ménages.
Si la BCE reste inévitablement sous pression pour éviter des ralentissements économiques trop forts, il n’est pas forcément l’heure de prendre de telles mesures exceptionnelles, l’économie étant à l’arrêt. Cependant, si ce dispositif est opérationnel lorsque l‘économie redémarrera, il ne peut qu’être profitable.
Publication originale de le 24 March 2020 mise à jour le 20 October 2021