Un ancien premier ministre l’avait déjà dit : « l’Etat ne peut pas tout ». Ce constat semble plus que jamais d’actualité si l’on s'en réfère au dernier plan de Réforme Logement dévoilé récemment pas le gouvernent.
Sur les centaines de propositions issues des concertations menées avec les professionnels du secteur immobilier dans le cadre du CNR (Conseil national de la Refondation - Logement), seules une petite vingtaine ont été retenues… Pour les professionnels du secteur, la déception semble à la hauteur des espoirs.
Que doit-on en penser ? Retour sur les principales annonces et réactions mais également sur les défis structurels du marché immobilier actuel.
Globalement le plan ne présente pas une révolution et constitue surtout une série de quelques mesures techniques autour de deux thématiques :
Les mesures les plus « radicales » telles par exemple que l’encadrement du prix du foncier ont été écartées.
Il semblerait que, de fait, la marge de manœuvre du gouvernement était réduite. Ceci, à l’heure où les grandes agences de notations telles que S&P, paraissent surveiller d’autant plus les perspectives financières de l’Etat français dans un contexte de hausse des taux et de conjoncture incertaine.
Parmi les principales mesures néanmoins annoncées par le Conseil national de la Refondation - Logement :
Finalement, pas de révolution quantique, mais quelques mesures « techniques » parfois floues. Dont la plupart peuvent être jugées plutôt certes positives, mais sans doute encore insuffisantes au vu des enjeux actuels.
Sur 35 ans, 1984-2019, la France a créé 11,8 millions d’unités nettes de logement (en comparant le delta global sur le stock de résidences principales, secondaires et de logement vacants).
Cela reste en dessous de l’objectif un jour affiché par François Hollande de 500 000 logements par an (sans que le détail derrière cette estimation soit forcément très clair). La source originelle serait ainsi une étude de novembre 2006 du Crédit foncier (alors que l’estimation de l’Insee préconisait à l’époque un rythme 300 000). De son côté, la FPI se positionne à 450 000 logements par an.
De manière factuelle, dans le même temps la population métropolitaine n’a cru que d’environ 10M de personnes. Dans ces conditions on pourrait penser qu’il n’y aurait pas de raison de parler de “pénurie de logements“.
Plus précisément plusieurs phénomènes sont à prendre en compte pour expliquer la pénurie actuelle :
Si les besoins de logement semblent réels, les défis auxquels se trouvent confrontés le secteur immobilier sont à la fois opérationnels, économiques et financiers.
Coté propriétaires et investisseurs, ceux-ci ont connu un cycle béni ces dernières décennies, avec une hausse généralisée des prix (quasiment à x5 à Paris depuis 2000, même si les années 90 avaient été défavorables). La situation est cependant plus contrastée selon les zones. L’indice IPI des zones rurales n’a par exemple retrouvé son niveau de 2008 qu’en 2021.
Malgré une hausse modérée des loyers, la hausse des prix a été entretenue par une baisse historique des taux d’intérêt et d’un allongement des durées d’emprunt. A la clé, les primo-accédants – qui ne peuvent revendre pour acheter - ont été totalement exclus du marché. Le taux de propriétaire de résidence principale se situe même désormais légèrement au-dessous du pic de 2014 de 57,8%.
Après des années fastes en volumes de transactions, que ce soit sur le neuf ou sur l’ancien sur les mises en chantier, les permis de construire et les constructions neuves – mouvement marginalement freiné par la crise sanitaire – les volumes se sont désormais effondrés notamment depuis le début du conflit en Ukraine.
Alors qu’ils faisaient encore de la résistance, les prix des logement anciens ont même baissé pour la première fois depuis 2015. Le marché semble pour le moins dans l’expectative et à l’arrêt à l’exception de certaines niches (luxe, mer, montagne...).
Concernant la situation du logement locatif, le blocage semble réel :
Situation similaire dans le logement social. Quarante ans de politique fiscale incitatives en faveur du logement locatif n’ont semble-t-il pas réussi à résorber les déséquilibres.
Ces dernières années les marges des promoteurs ont chuté à 8%. Un phénomène accentué récemment par la hausse de coûts de construction depuis la Covid-19 et le conflit en Ukraine. Les nouvelles normes RE2020 participent également de cette hausse des coûts de construction.
Par ailleurs, outre le renchérissement du foncier, il existe également un simple phénomène de pénurie, notamment dans les zones tendues, qui freine l’offre. Déséquilibre qui est accentué avec les nouveaux objectifs de ZAN (Zéro Artificialisation des Sols).
On se trouve ainsi face à un phénomène multiple :
On ne fera sans doute pas l’économie d’un ajustement en termes de cycle. Si certaines voix se sont élevées pour souligner la relative résilience du marché, on voit mal comment la hausse des taux et la restriction du crédit n’impacteraient pas le marché, tant elles ont constitué son principal soutien ces dernières décennies…
Une baisse passagère des volumes puis des prix, qui semble inéluctable, et une relance de l’inflation des loyers – par ailleurs contrée par les mesures de plafonnement – pourraient permettre de reconstituer des taux de capitalisation plus attractifs et de restaurer en partie la capacité d’emprunt et l’intérêt des investisseurs.
Si les objectifs de ZAN et de rénovation énergétique semblent louables sur le long terme, la mise en place pratique et les calendriers serrés soulèvement forcément des questions :
Par ailleurs même si des ressources foncières étaient débloquées, de nouveaux logements impliquent souvent de nouvelles charges en infrastructures pour les collectivités locales. Or ces dernières manquent souvent cruellement de ressources pour les assumer (d’autant plus depuis la réforme de la taxe d’habitation et des dotations de l’Etat...).
Sans un minimum de pragmatisme, et de mesures et d’incitation ciblées complémentaires, difficile d’envisager un rétablissement rapide du marché.
Le diable étant dans les détails, on peut par exemple douter que la réforme du taux d’usure change significativement la donne pour des acquéreurs confrontés à un risque de surendettement.
La solution pour le marché est sans doute multiple :
Par ailleurs, quelle que soit l’approche, le défi avant de mettre en place un cadre incitatif et efficace, est d’établir un simple constat sur les difficultés pratiques de certaines mesures existantes : par exemple environ 50% des communes ne respectent pas leurs obligations sur le logement social lié à la loi SRU.
Au quotidien, les contraintes et contradictions ne manquent pas :
Au-delà des déséquilibres structurels dont souffre le marché immobilier depuis longtemps, la hausse des taux et le retour de l’inflation apportent une lumière crue sur les défis auxquels nous sommes collectivement confrontés.
La planification et l’aménagement du territoire sont un exercice périlleux et il ne suffit pas d’une nouvelle règlementation - qui sera parfois non applicable - pour résoudre les problèmes structurels tels que l’accès au foncier.
Les domaines de la rénovation et de la reconversion de friches ou bureaux par les marchands de biens et les promoteurs sont sans doute une piste à creuser particulièrement. Ils permettent de combiner les contraintes en termes d’accès au foncier, les rénovations énergétiques nécessaires, tout en apportant une réponse à certaines évolutions structurelles du marché :
Les nouveaux usages en termes d’immobilier : co-living, flex-office, coworking sont sans doute également autant de piste à ne pas négliger.
Dans ce contexte complexe, où il faudra faire feu de tous bois, le crowdfunding a plus que jamais son rôle à jouer pour mobiliser l’épargne, pallier les insuffisances des banques, favoriser la croissance du parc immobilier et la liquidité du marché en accompagnant, les professionnels de l’immobilier.
Publication originale de le 27 June 2023 mise à jour le 19 March 2024