Covid-19 Business 05 November 2020

Les GAFAM face au Covid-19 : comment ont-ils tiré leur épingle du jeu ?

La santé des GAFAM face au Covid-19

Au-delà de la crise du Covid-19, l’année 2020 restera comme une année charnière concernant le mouvement global de digitalisation des économies. Pourtant, face au Covid-19, les “GAFAM” (Google Amazon Facebook Apple Microsoft) ont continué à afficher une santé insolente alors que l’économie mondiale a été, par ailleurs, durement impactée. En France, alors que les épisodes de confinements ont mis à l’épreuve des pans entiers de l’économie, Amazon a confirmé son statut. Pourtant cette domination croissante de ces champions semble les exposer de plus en plus aux critiques.


L’insolente santé des GAFAM face au COVID-19

L’acronyme GAFAM est le symbole de ces géants de l’économie des réseaux et de la digitalisation. Il est parfois complété par d’autres versions : FAANG pour Facebook, Amazon, Apple, Netflix, Google ; NATU (pour Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) ; ou bien encore les BHATX pour Baidu, Huawei, Alibaba, Tencent et Xiaomi, qui rend compte ainsi de l’émergence des « big tech » chinoises.

Leurs activités sont devenues essentielles, et sont liées à l’utilisation massive des réseaux, que ce soit au niveau professionnel ou personnel. Leur chiffre d’affaires s’étend de la diffusion et la vente de contenu à la gestion de serveur ou la publicité online. Face au Covid-19, les GAFAM profitent des nouvelles habitudes de consommation. Sur le 3Q 2020 écoulé, les 4 GAFA ont réalisé 38 milliards de bénéfices (soit +32% malgré un léger recul pour Apple). Les graphiques ci-dessous illustrent le poids de ces géants.

Chiffre d'affaire des GAFA

Graphique : WeShareBonds, données : Nasdaq, Marketscreener, 2020

GAFA Bénéfice Q3

Graphique : WeShareBonds, données : Les Echos, IREP, FRANCEPUB, KANTAR

Amazon et le confinement

La société de Seattle a longtemps été critiquée par les investisseurs pour son “business model” non profitable. Pourtant depuis 2016, la société a commencé à réaliser pour la première fois des profits sur chacun de ses trimestres d’activité. À l’heure où beaucoup de secteurs se débattent pour surmonter la crise, Amazon a publié un profit de 6,3 milliards de dollars au troisième trimestre 2020 – malgré les coûts supplémentaires liés à la Covid-19. Ceci représente un triplement par rapport à 2019, avec un chiffre d’affaires de 96 milliards de dollars (+37%). Son activité se décompose entre la vente de produits, mais également l’activité de place de marché, la logistique ou la diffusion de contenu (via l’offre d’abonnement “Prime”). Cependant, c’est surtout l’offre hébergement AWS (Amazon Web Services) qui fait la différence, avec 10% du CA pour la moitié des profits.

Autre signe de sa santé, malgré l’utilisation massive de robots, la société a embauché 400.000 employés en 2020, faisant passer ses effectifs mondiaux à 1,1 millions de personnes.

En France de nombreuses voix se sont élevées contre une «Amazonisation » de l’économie, la société ayant annoncé de nombreux projet d’implantation dans l’hexagone qui ont souvent fait l’objet de critiques. Dans le contexte du débat général sur les questions de concurrence déloyales et le droit ou non de continuer à vendre des produits “non essentiels” — débat qui touche également la grande distribution —, le sujet est devenu d’autant plus brûlant. Par ailleurs, l’activité de négoce d’Amazon est précisément concentrée sur la vente de ces produits “non essentiels ». Ceci alimente ainsi d’autant plus les critiques actuelles liées à une distorsion de concurrence. D’ailleurs, au cours du premier confinement, la firme avait momentanément suspendu la livraison de produits non-essentiels (mais ceci principalement pour des raisons sanitaires).

Au-delà du cas particulier d’Amazon, l’e-commerce en général a “profité” des nouvelles habitudes de consommation accentuées par la crise. Amazon occupe, cependant, une place de leader incontesté dans un marché de la distribution online déjà concentré (les 20 premiers sites représentant plus de la moitié des dépenses online) :

Dépenses publicitaires France (million euros) et yty%

Graphique : WeShareBonds, données : Les Echos, IREP, FRANCEPUB, KANTAR

  • Amazon représentait 22% des dépenses on line en France en 2019
  • 45 % des individus en France achètent sur Amazon au moins une fois dans l’année (soit 22,2 millions de personnes +18 ans), à comparer à 70% ( 35 millions de personnes) pour l’ensemble du secteur online
  • Environ 10 commandes chaque année pour les clients avec 1,5 article (23,2€/article) par commande, soit un panier moyen de 35 euros
  • Le volume d’affaires d’Amazon en France à 333 millions d’articles achetés pour un montant de 7,73 Mds € (+17%)
  • Sur 100€ d’achat sur Amazon : 52 euros le sont sur des produits achetés via la market-place (vs 49% en 2018 et 43% en 2017). Ce segment en forte croissance profite par ailleurs également à de nombreuses entreprises françaises, avec 10 000 PME/TPE présentes sur la marketplace
Top sites % des dépenses des français en ligne 2019 (hors sites GSA)

Graphique : WeShareBonds, données : LSA et Kantar Word Pannel, 2019

Des nuages pour les GAFAM ?

Si la transition vers le numérique profite de manière générale aux GAFAM, ces dernières font face à un feu de critiques. Dans l’environnement actuel, les critiques liés à des abus de position dominante ou de distorsion de concurrence se sont accentuées. L’influence des réseaux sociaux de plateformes numériques sur le processus démocratique – lors des élections présidentielles américaines par exemple – a donné lieu à des commissions d’enquête ouvrant des débats compliqués. Quelle responsabilité des plateformes sur les contenus tiers ? À la clé, quelle obligation de contrôle pour lutter contre une désinformation facilitée, tout en évitant le piège de la censure de la liberté d’expression ? 

Par ailleurs, que cela soit en Europe (où Google a été condamné à plusieurs milliards d’euros d’amendes) ou au États-Unis, une certaine pression antitrust se fait plus prégnante. Google a été récemment attaqué en justice aux États-Unis dans le cadre de la plus importante procédure antitrust depuis celle qui avait touché Microsoft dans les années quatre-vingt-dix. En cause notamment, l’accord d’installation par défaut de son moteur de recherche et de ses outils sur les iPhone d’Apple. Celui-ci donne lieu à un paiement annuel de 8 à 10 milliards de dollars par Google à Apple (la moitié des requêtes du moteur seraient générée via les iPhone). De plus, Commission européenne devrait, elle, s’attaquer à Amazon en ouvrant une procédure formelle contre cette dernière, pour non-respect des règles de la concurrence. Ceci étant due au double statut ambigu de détaillant et de place de marché dont dispose Amazon.

La Chambre des Représentants des États-Unis, via les membres démocrates de sa Commission antitrust, a même récemment préconisé dans un rapport un démantèlement des GAFA. Le sort de cette démarche sera, cependant, sans doute très influencé par l’équilibre des pouvoirs entre les démocrates et les républicains et à une potentielle « vague bleue » lors des élections. Au-delà de la jurisprudence qui avait tendance à focaliser sur les prix, l’accent porterait plus sur la notion de leur position face à de possibles concurrents émergent (les GAFA ayant mené par ailleurs des politiques d’acquisition de concurrents pour étendre leur position). Si certains outsiders, tels que l’application de téléconférence ZOOM qui vaut désormais plusieurs dizaines de milliards de dollars en bourse, continuent d’émerger, la société EpicGames, à l’origine du jeu Fortnite, a attaqué Apple au sujet de la commission distributeur de 30% prélevé par l’App Store, qui a, de son côté, exclu le jeu en réponse.

Enfin, les sujets de l’optimisation fiscale pratiquée massivement par les géants du web qui bénéficient d’une large présence internationale, la protection de la vie privée – avec les règlements RGPD – s’élève également dans le débat. Dans un environnement où la croissance n’est pas infinie et où les valorisations ont atteint des records, malgré un léger repli récent. Les investisseurs ne semblent, en tout cas, pas encore prêts à se détourner de ces sociétés. Même si elles représentent, à elles seules, plusieurs fois la valorisation du CAC40. 

Publication originale de le 05 November 2020 mise à jour le 20 October 2021