La crise de la Covid-19 et les mesures de confinement avait entrainé une paralysie des économies mondiales avec des chutes brutales de PIB, inédites depuis des décennies.
Avec l’amélioration de la situation sanitaire, l’activité est repartie de plus belle, souvent portée par des effets de rattrapage.
Dans son domaine, la Fédération Française du Bâtiment (FFB) a ainsi enregistré une reprise des permis de construire pour les logements neufs (472 000 logements autorisés) avec un retour à la situation d’avant crise pour la production de logements, envisagé en 2022.
Cependant, ce regain d’activité s’est accompagné d’un retour général de l’inflation et d’une augmentation du coût des matières premières et de l’énergie (alimentés également actuellement par la crise géopolitique en Ukraine). Deux éléments qui impactent significativement le secteur de la construction.
L’année 2022 marquera également la généralisation de la nouvelle norme RE2020 qui aura tendance à pousser les coûts de construction à la hausse dans les prochaines années. Une situation à ne pas négliger à terme avec ses répercutions potentielles alors que le logement reste le premier poste dépenses des Français (27 %).
Avec la pandémie, les secteurs de l’immobilier et de la construction ont traversé de nombreuses épreuves : confinements sanitaires, report des permis de construire du fait des élections municipales…
Pourtant, in fine l’activité semble plutôt bien repartie, avec plus d’un million de logements vendus en 2021, un niveau record, et 471.000 logements autorisés annulant quasiment les effets de la crise sanitaire.
Par ailleurs certains éléments tels que la possibilité de déclaration des permis de construire en ligne en 2022 vont dans le sens d’une plus grande fluidité du marché.
De plus, la demande de logements reste forte par rapport à l’offre. Pourtant, ce retour en grâce semble obéré par un retour de l’inflation qui continue de faire peser des contraintes importantes sur le secteur de la construction.
Ainsi, selon 82 % des investisseurs interrogés par le courtier Savills Investment Managers, l’inflation serait le premier défi pour 2022, devant le ralentissement économique (68 %) et un potentiel retour des restrictions sanitaires (66 %).
La Chine, qui n’avait pas complétement plongé économiquement, a vu son économie fortement rebondir, du moins à court terme. En Europe comme aux États-Unis, 2021 aura été marqué par des taux de croissance record. Reprise de la demande, soutien budgétaire des États et effets de rattrapages (restockage, reprise de la consommation des ménages) ont entrainé de fortes pressions souvent mal anticipées sur la demande.
Que ce soit sur le coût des matières premières ou de l’énergie, mais également du transport, partout dans le monde l'inflation se situe à des niveaux records. Un phénomène dont il est difficile de déterminer s'il est transitoire ou structurel.
Signe des temps, Ikea qui avait ces dernières années plutôt fait profiter ses clients des économies opérationnelles réalisées, a dû se résoudre à une hausse moyenne de ses prix de 9 % ! En cause, les problèmes d'approvisionnement en matières premières, la hausse du prix des transports, ainsi qu’une hausse des coûts de main d’œuvre.
De nombreux secteurs tels que l’automobile ou l’électronique se trouve de leur côté confrontés à des pénuries de composants.
Si au début de la crise sanitaire, on avait connu des prix du pétrole brièvement négatifs (les coûts de stockage étant alors supérieurs au prix de vente constaté…), cette époque semble bien révolue…
Le graphique ci-dessous réalisé à partir des tendances quotidiennes de différentes matières premières (cuivre, bois de construction, aluminium, gaz naturel, brent...) ramenées en base 100 au début de l’année 2017 montre une hausse généralisée.
Après des creux enregistrés au début de la crise sanitaire, on observe une tendance à la hausse, entrainant souvent un doublement par rapport au niveau d’il y a 5 ans. Une tendance particulièrement visible sur le bois de construction (qui ne constitue certes pas, et de loin, le principal matériau de construction en Europe) que ce soit du fait d'une forte demande ou d’une pénurie de production.
Évolution du coût des matières premières et de l'énergie (en base 100 en 2017)
On rencontre une évolution également à la hausse très significative des prix du fret depuis la crise sanitaire. Le coût de fret d’un conteneur ayant été quasiment multiplié par 5…
FEX (Global Freight Index) et FBX (Global Container Index)
Tous ces prix étant exprimés en US$ dollar, l’impact a par ailleurs pu être d’autant plus significatif ces derniers temps pour des acteurs Européens, étant donné la relative réévaluation du dollar par rapport à l’euro.
Artisanat et bâtiments : les hausses de prix observées fin 2021
Le coût de l’énergie est souvent en cause : par exemple la hausse du prix du gaz entraine l’arrêt de production de tuiles, poussant alors les stocks à la baisse et les prix à la hausse. Idem pour le prix du ciment avec des hausses jusqu’à +15 %… Autre impact : le décalage entre offre et demande et des phénomènes de pénurie.
En bout de chaîne, les entrepreneurs sont alors contraints de retarder des chantiers, de poursuivre, parfois à perte, ou d’ajuster les devis (si cela est possible contractuellement et commercialement). Si la hausse impacte tous les secteurs de la construction, les menuisiers, charpentiers et plaquistes semblent les plus impactés.
La forte reprise en Asie et aux États-Unis est également en cause : elle a poussé l’offre à la hausse, augmenté les phénomènes de (re)stockage et considérablement allongé les délais.
Des hausses loin d’être indolores si l’on considère que les travaux représentent 65 % du coût de construction des bâtiments.
Heureusement, selon une enquête flash du cabinet spécialisé de conseil Simon-Kucher dans le secteur de la construction, 50 % des entreprises interrogées n’avait pas répercuté l’intégralité des hausses auprès de leurs clients.
En cause l’incapacité de leur client à absorber ses hausses ou des évolutions tarifaires qu’il faudrait préalablement intégrer de façon contractuelle via des clauses de révision de prix.
Autre raison, le sentiment que certaines hausses pourraient être passagères et se résorber sous un an. C’est du moins l’opinion de Franck Bernigaud , président de la Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC) qui représente 1 200 entreprises, 5 500 points de vente, et 19 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020. Le déséquilibre entre offre et demande alimenté par la reprise de la construction et l’appétit des particuliers pour les chantiers de rénovation pendant le Covid pourrait selon lui se résorber d’ici à 24 mois.
Reste à régler cependant l’impact de la hausse des coûts énergétiques qui pourrait perdurer et les perspectives d’un renchérissement des coûts de construction avec un impact persistant sur les prix selon Grégory Monod, président de Pôle Habitat FFB.
S’ils ne peuvent pas toujours répercuter les hausses de coût à leurs clients, les professionnels vont sans doute être amenés à adopter une attitude plus prudente :
Pour ceux qui avaient préalablement surstocké ou avec une forte composante de main d’œuvre, l’impact aura été partiellement amorti. Mais cela a ses limites. Dès 2021 selon l’Insee, la marge opérationnelle de la construction était tombée à 22,2 % contre 26,4 % fin 2019.
Reste à revoir éventuellement les types de matériaux utilisés, l’utilisation de matériaux recyclés, favoriser l’approvisionnement local ou adopter à terme de nouvelles techniques de construction moins consommatrices (modulaire, impression 3D). Pour les plus solides, accélérer les investissements dans la modernisation de l’outil de production.
À cela s’ajoute dans certaines régions comme l’Île-de-France, la hausse des frais fixes (transport, stationnement, main d’œuvre, loyer), certains réclament la prise en compte d’une taxe carbone pour lutter contre la concurrence d’acteurs en région.
Par ailleurs la FFB avait espéré plusieurs mesures pour améliorer la situation :
Pour rappel l'indice BT 01 est la référence officielle pour la révision des prix dans les contrats de construction de maisons individuelles (CCMI) et ceux de vente d'appartements en l'état futur d'achèvement (VEFA).
Valeur de l'indice BT01
Sans forcément répondre à tous les besoins, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures provisoires (reste à savoir si la situation actuelle est conjoncturelle ou structurelle) :
Indépendamment de la conjoncture économique, l’année 2022 va apporter son lot de changements pour le secteur de la construction et de la rénovation. Avec la norme RE2020, l’impact des nouveaux DPE (Diagnostics de performance énergétiques) et de manière générale les mesures issues de la loi Climat et Résilience.
En jeu sans doute une hausse des coûts de construction, mais qui devrait apporter des opportunités au secteur : valeur-ajoutée refacturée au client final, opportunités dans le domaine de la réhabilitation de bâtiments de bureaux qui ne sont plus aux normes. En poussant à la rénovation des logements, le gouvernement offre de nouvelles contraintes, mais également de nouvelles perspectives. Restent à convaincre les acheteurs finaux.
Ce dispositif d'aides à la rénovation énergétique des logements réservé aux propriétaires de logements privés occupés comme résidence principale, ne s'appliquent plus qu’aux constructions datant de moins de 15 ans en mettant à l’écart les logements récents qui constitue toutefois une enveloppe de 2 milliards d’euros.
Pour rappel 660.000 demandes de prime avaient reçu un accord de principe sur 764.000 dossiers déposés en 2021.
Si le dispositif fiscal Pinel qui concerne une part importante des logements neufs construits a été prorogé pour bénéficier des réductions fiscales à taux plein, il faudra respecter des critères de taille et de qualité de logement (susceptible de rendre ces logements plus onéreux) mais également respecter par anticipation la mise en place des normes RE2020.
Les nouveaux DPE prennent désormais en comptes les émissions de gaz à effet de serre et les caractéristiques des bâtiments (au-delà de la consommation historique) et du mode de chauffage.
La loi Climat et Résilience vise également à lutter contre l’artificialisation des sols : en jeu une raréfaction du foncier (qui risque de devenir plus cher ?) mais également un encouragement à terme à la densification de l’habitat et à la réhabilitation de bâtiment existants.
La généralisation de la norme RE2020 (succédant à la norme RT2012) pourrait avoir un impact important.
Pour rappel, ses grandes orientations sont de diminuer l’impact sur le climat des bâtiments neufs, en prenant en compte cela dès la construction, mais aussi en améliorant la performance énergétique et la consommation future des bâtiments neufs. Avec en ligne de mire l’objectif de neutralité carbone en 2050 :
Le principe de la REP est de soumettre les produits de construction à une éco-contribution afin de financer l’émergence d’une filière de traitement des déchets du bâtiment. En jeu cependant un renchérissement potentiel des prix de 5 % à 10 %.
Issue de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire (AGEC), elle vise plusieurs objectifs : renforcer le maillage des points de collecte et assurer une reprise gratuite des déchets, soutenir les collectivités locales qui prennent en charge les déchets du bâtiment, développer le réemploi, lutter contre les dépôts sauvage…
Toutes choses égales par ailleurs, la norme RE2020 devrait faire augmenter – hors foncier - d'environ 5 % à 10 % le coût de construction des appartements et des maisons. Si l’on prend en compte les coûts liés à l’inflation et au futur REP Bâtiment, l’impact pourrait-être significatif.
Difficile de prévoir l’évolution des prix même s'ils sont historiquement élevés. Pa ailleurs la France exporte ses bois bruts, mais importe des produits finis. L’équilibre entre l’offre et la demande ne peut pas se résorber facilement à court terme. D’autant plus que les nouvelles normes telles que RE2020 en France vont favoriser un usage structurel du bois au-delà d’une dimension conjoncturelle.
La crise de la Covid-19 a profondément désorganisé la production et a fortement perturbé l’équilibre entre l’offre et la demande.
Cependant, dans un récent rapport, le cabinet McKinsey s’est interrogé sur le coût de la transition énergétique et de l’objectif « zéro carbone » à horizon 2050 avec des investissements estimés à 9000 milliards de dollar par an à terme. Selon le cabinet, les coûts de production de l'électricité, de l'acier et du ciment s'en trouveraient augmentés de 20 % à 45 % d'ici à 2050.
On peut véritablement parler d’une hausse générale (acier, plâtre, bois ; ciment…). Cela du fait de plusieurs impacts : d’abord, de la reprise qui entraine un déséquilibre entre offre et demande conduisant à des goulots d’étranglement ainsi qu’une hausse du coût des transports. Par ailleurs des produits ont un coût de production directement impacté par la hausse des coûts des matières premières et de l’énergie (gaz naturel, pétrole, électricité…)
L'Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de +2,8 % en 2021. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, l’inflation est actuellement à des niveaux record (à noter par ailleurs qu’en Europe seuls les loyers et non le prix de logement sont pris en compte dans l’inflation)
Publication originale de le 01 April 2022 mise à jour le 18 July 2022