Business 05 May 2020

Covid-19, e-commerce, le révélateur ?

Covid-19, e-commerce, le révélateur

Alors que l’économie mondiale est tombée quasiment à l’arrêt dans de nombreux secteurs du fait du confinement, l’e-commerce a pu profiter de sa position pour continuer à fonctionner et accroitre ses parts de marché. Que nous disent les derniers chiffres ? Au-delà du court-terme, la crise joue-t-elle un rôle d’accélérateur de tendances à plus long-terme ?


L’e-commerce résiste alors que la consommation décroit

L’un des premiers constats liés à la crise est que l’e-commerce semble avoir plutôt résisté par rapport au reste de l’économie.

Baisse générale de la consommation

On le sait, l’économie a été fortement ralentie : 5,8% de baisse du PIB au premier trimestre en France, 35% hors loyer immobilier post-confinement ; et en Europe, une baisse de 3,8% du PIB au premier trimestre.

En France, sur le premier trimestre 2020, la consommation des ménages en biens a ainsi fortement baissé (–7,3 %). Pour le mois de mars 2020 elle a diminué de -17,9% en volume soit une chute record depuis 1980. Dans le détail, la consommation de biens manufacturés a chuté fortement (–42,3 %), ainsi que dans une moindre mesure les dépenses en énergie (–11,4 %), alors que la consommation alimentaire a pour sa part augmenté nettement (+7,8 %)

E-commerce : avantage concurrentiel

De par sa nature, l’e-commerce s’est trouvé parfaitement adapté pour fournir une alternative au commerce traditionnel, notamment grâce à l’absence de contact direct avec la clientèle. En parallèle, des pans entiers de l’économie ont fait l’objet de fermetures administratives (librairies, restaurants, bricolage, etc.) du fait d’une limitation des ouvertures aux biens de première nécessités.

Amazon a ainsi vu ses ventes augmenter en Europe depuis le début de la crise (même en France malgré un arrêt de ses entrepôts) d’après le baromètre foxintelligence. Ses ventes mondiales au premier trimestre ont par ailleurs augmenté de +26% vs. 2019. Au passage, sa valeur boursière a augmenté de 25% depuis le début 2020.

Mais Amazon n’est pas le seul acteur à avoir connu une activité soutenue, si l’on en croit l’évolution des parts de marché sur la période indiquées dans les graphes ci-dessous. La société Alma financée sur WeShareBonds – qui fournit des solutions de paiement aux e-commerçants — a même vu son activité bondir de 100% en avril par rapport au mois de mars.

Défis opérationnels pour l’e-commerce

La situation a cependant entraîné de fortes contraintes pour de nombreux acteurs ainsi que le relevait la Fevad en début de période. Les trois quarts des sites d’e-commerce avaient alors enregistré des baisses de leurs ventes, les acteurs du web se trouvant face à des difficultés logistiques pour gérer parfois de forts afflux de commandes et assurer un sourcing satisfaisant des produits provenant souvent de l’étranger.

Amazon a lui-même été confronté à des difficultés pour assurer les nouvelles normes sanitaires dans ses entrepôts français, et a dû les fermer à la suite d’une décision de justice défavorable. Il a cependant continué ses livraisons depuis ses bases logistiques étrangères… Signe de sa dynamique, Amazon a dû embaucher 175 000 personnes et augmenter les salaires avec la crise du Covid-19. Il a cependant annoncé un investissement massif et inédit de 4 milliards de dollars au deuxième trimestre – soit l’équivalent de son bénéfice prévisionnel sur cette période – vers des mesures spécifiques à la gestion de la crise sanitaire.

Un tournant historique pour l’e-commerce ?

Au-delà de la tendance court terme, la crise actuelle pourrait-être le catalyseur d’une évolution plus profonde, et d’une accélération d’un phénomène de fond vers plus de digitalisation de l’économie.

Le retail traditionnel impacté

L’iconique chaîne de supermarché américaine Macy’s, créée au milieu du 19ᵉ siècle, et en grande difficulté, est récemment sortie de l’indice boursier S&P 500 : tout un symbole. Les consommateurs soumis au confinement ont généralement dû se rabattre sur l’e-commerce et des points de vente plus locaux. En France, les grands centres commerciaux déjà éprouvés par les grèves et les « gilets jaunes » restent toujours fermés administrativement jusqu’à nouvel ordre. Dans le même temps, la Poste a fait état d’une augmentation de ses livraisons de colis par rapport à la même période de 2019.

Au plan international, le cabinet Forrester prévoit ainsi une baisse du commerce de détail “offline” de 9,6%, et même de 20% pour le non-alimentaire, face à des ventes en ligne qui resteront stables en 2020 ; le tout pour un impact mondial de près de 2000 milliards de dollars.

Nouveau public et démocratisation

Avec la crise, de nouvelles habitudes semblent s’être imposées, avec par exemple une recrudescence de nouveaux adeptes pour la vente à distance de produits alimentaires. Les ventes de l’e-commerce alimentaire français ont en effet augmenté de 50% depuis mars.

K Kantar/Detail Online a analysé un panel de consommateurs européens (France, Allemagne, Grande-Bretagne) fin mars pour évaluer la tendance de comportement dans la durée : 80% des personnes interrogées affirmaient qu’elles continueraient à effectuer des achats dits « non-essentiels » en ligne en 2020. Même analyse menée par la société Paysafe (qui gère un volume de paiement online de 85 milliards de dollars dans 40 pays) auprès d’un panel d’utilisateurs :

  • 42% des sondés achètent plus online, en partie – mais pas majoritairement – dû au fait des fermetures des points de ventes physiques
  • 18% ont même effectué leur premier achat online au cours de cette période (25% au US) !
  • 38% anticipent de plus acheter online à l’avenir (65% citant le côté pratique)

Nouveaux usages et tendances confirmés

La crise a contraint les acheteurs comme les commerçants à utiliser des nouveaux canaux de vente, dont certains connaissaient déjà une dynamique forte : click-and collect /drive et livraison à domicile semblent s’être inscrits dans les usages. La part de marché de l’e-commerce sur les produits de grande consommation et produits frais a significativement augmenté selon Nielsen.

Selon le cabinet BCG qui a analysé ces changements d’habitude de consommation, ces nouveaux usages pourraient perdurer sur le long-terme.

La digitalisation dans une nouvelle ère ?

Que l’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, la situation actuelle a amené de profonds changements : généralisation du télétravail, adaptation contrainte de certains secteurs (sortie des films sur les plateformes numériques par exemple), téléconsultation médicale…

De fait les acteurs traditionnels adaptent leur stratégie : bien que pénalisé par une baisse des achats non essentiels, Carrefour a ainsi annoncé une croissance globale de ses ventes à périmètre de magasins comparable de 7,8% au premier trimestre (+4,3% en France). Dans le même temps, les ventes alimentaires ont progressé de 9,9% — mais pour l’e-commerce, la progression sur ce segment est de +45%. Forcé à évoluer, Carrefour a même signé un partenariat inédit avec Uber Eats pour effectuer ses livraisons.

Au-delà de l’aspect conjoncturel, le géant des centres commerciaux Unibail-Rodamco-Westfield a ainsi perdu deux tiers de sa capitalisation en bourse depuis début 2020, signe que le marché parie sur la pérennité de certains nouveaux usages… Reste à savoir s’ils profiteront à quelques leaders existants du digital, où s’ils seront – comme on peut l’espérer – également source de nouvelles opportunités pour les acteurs traditionnels, y compris les PME.

Publication originale de le 05 May 2020 mise à jour le 09 December 2021